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Actualité de L’autre Afrique
July 2002
Propos recueillis par :  Diallo  Bios, Moctar Kane, Luc Ngowet, Fanny Pigeaud

 

“Brésil, Cuba, Fidji, Etats-Unis.......
........Nous sommes tous africains”


L'autre Afrique :
Votre dernier album, Ancient Future, porte le même nom que le livre du journaliste et anthropologue Wayne B. Chandler (voir encadré).
Pourquoi ?

Randy Weston :
Il y a environ quatre ans, ('historien) Ivan Van Sertima a réuni plusieurs écrivains et spécialistes pour parler de la contribution de Cheick Anta Diop. Il a publié de cette rencontre un ouvrage dans lequel se trouvait un texte de Chandler, que j'ai lu. Il expliquait que la civilisation chinoise a ses racines en Afrique. Chandler a pris des photos de statues trouvées en Chine qui représentaient en fait des personnes noires. Plus tard, j’ai fait la rencontre d'une musicienne chinoise qui m'avait entendu jouer en solo. Elle m'a dit : " Je vous ai écouté et j'aime beaucoup votre façon de jouer. J'aimerais que tous me voyiez jouer aussi.”  Elle est venue chez moi à Brooklyn, avec un instrument et des livres chinois.
J'avais le texte de Chandler qui m'a inspiré et nous avons sorti un album dédié à Cheick Anta Diop. Plus tard, quand Chandler a sorti son livre, il m'en a envoyé  une copie. Je l'ai lu et là, je me suis dit que je devais faire un nouvel album.......

Que s'est-il passé quand vous avez lu ce livre?

Cela a un rapport avec mes ancêtres, qui ont vécu il y a des milliers d'années. Quand je vais en Afrique, par exemple, je n'y vais pas en tant que tel pour rencontrer les gens qui y sont, mais surtout pour être en contact ”direct” avec mes ancêtres. Et ils m'ont donné un message au Nigeria, au Ghana, en Égypte... bref partout où je me suis rendu. C'est cet esprit des ancêtres que je retrouve dans les livres tels que Ancient Future, qui rn'habite quand je crée.

Que signifie Ancient Future?

Justement, que nous avons besoin de repartir vers nos ancêtres pour pouvoir avancer : où que nous allions, quoi que nous fassions, nous avons besoin de retourner aux sources.

Quelle est la situation actuelle de l'enseignement de l'histoire africaine, aux Etats-Unis?

Il y a quelques années, quand je parlais d'Afrique autour de moi, les gens ne comprenaient pas, ils ne voyaient pas quel rapport je faisais avec le continent africain. Aujourd'hui, les choses ont bien changé. La culture africaine est fortement présente. Son histoire, ses langues, ses religions, ses musiques sont enseignées et imprègnent fortement nos vies. A Brooklyn, par exemple, il y a de nombreux restaurants sénégalais. Aujourd'hui, l'impact de Cheikh Anta Diop est incommensurable : il y a des dizaines de librairies consacrées à l'Afrique. Il existe même des lycées, à New York, où on enseigne la vie et l'œuvre de Cheikh Anta Diop.

Tous les Noirs américains ont-il le même enthousiasme pour l'Afrique, antique ou contemporaine?

Non, comme vous vous en doutez. Nous sommes divers. Par exemple, il y a des Noirs qui sont politiquement à droite, d'autres à gauche. Mais nous savons que l'Afrique fait partie de notre histoire. En musique, que l'on soit au Brésil, à Cuba, dans les îles Fidji ou aux États-Unis, nous avons tous un rapport à l'Afrique, parce que nous avons été déportés et que nous avons su créer quelque chose de neuf.

Est-ce que la communauté noire a encore des leaders comme dans les années 60?

Il y en a. Mais, c'est vrai que nous nous référons toujours à des géants tels que Duke Ellington, parce qu'il s'agit de musiciens qui savaient tellement de choses que nous continuons à puiser dans l'héritage qu'ils nous ont laissé.

Les plus jeunes ont-ils pris le relais ?

Il en existe aussi. J'ai vu, il n'y a pas longtemps, une émission télévisée qui réunissait des leaders noirs, venus de tous les domaines (politique, universitaire, artistique... ). Ils ont débattu de l'indemnisation que doit donner l'État américain à la com­munauté noire pour tout le travail fournit gratuitement par nos ancêtres, pendant trois siècles d'esclavage.  Nous exigeons du gouvernement que nous soyons payés parce que ces gens ont construit gratuitement !  les États-Unis. Il y a une marche qui est prévue à cet effet le 17 août, à Washington DC.  Il y a donc une véritable énergie collective, même chez les plus jeunes, pour que la vie des Noirs aux États-Unis soit meilleure, “pour que nos frères en prison soient libérés”, comme l'a dit un ado­lescent de 15 ans qui était invité à ce débat.

La situation des Noirs est quand même loin de ressembler à celle de l'après Seconde Guerre mondiale...

Bien sûr, mais le racisme est toujours présent. Après la guerre, on pensait que, comme l'avait promis l'État, nos vies seraient meilleures. Mais les choses n'ont pas beaucoup changé. Dans mon cas, c'est par la musique que je me suis battu. Un ami poète Somalien m'a d'ailleurs dit, un jour, que c'est grâce à la musique que le changement allait se faire. La musique, c'est la langue de la Nature, de l'Esprit, de Dieu. Grâce à elle, on com­munique tout de suite, sans intermédiaire. C'est aussi un puis­sant instrument de libération. Des artistes comme Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Thelonious Monk ou Ray Brown ont imposé, dès 1945-1946, un nouveau style musical, une nouvelle démarche : ils se sont imposés en tant qu'artistes véritables et non plus comme simples hommes de divertissement. Parce que, avant, beaucoup de musiciens étaient obligés de jouer pour détendre les gens. Certains, comme Duke Ellington, avaient même déjà écrit sur l'Afrique (dès 1927, avec Caravan).

Quels ont été vos premiers contacts avec des Africains du continent ?

Le premier, c'était avec un grand chorégraphe, danseur origi­naire de Guinée, Assutada da Fora. Quand j'ai entendu sa musique, je nie suis dit : "Mais c'est ma musique! " En 1958, j'ai commencé à travailler à un album dédié aux nouveaux pays africains, Uhuru Afrika. Après en avoir parlé avec de nombreux diplomates africains, nous ayons décidé d'écrire les titres en kis­wahili. Nous voulions montrer la beauté des langues africaines. Aux états-unis, la seule chose, que l'on montre de l'Afrique, au cinéma, est tellement stupide ! Pourtant, lorsque l'album est sorti en 1960, nous ayons eu beaucoup de problèmes. Les gens ne comprenaient pas pourquoi nous voulions parler de l'Afrique.

Etiez-vous déjà allé en Afrique ?

J'y suis allé pour la première fois un an plus tard, au Nigeria. Nous étions une trentaine d'artistes américains pour un sommet sur la culture africaine et afro-américaine, à Lagos. 11 y avait Lionel Hampton, Jeffrey Older... Pendant dix jours merveilleux, nous ayons tenté de voir quelles relations il y avait entre la musique ouest africaine et les afro-américains. Après la confé­rence, je me rendais au club de Bobby Benson. C'est là que j'ai rencontré Fela. A cette époque, il jouait de la trompette. Nous ayons joué ensemble en 1963, quand je suis revenu au Nigeria. Puis, en 1967, j'ai été choisi avec mon groupe par le département d'État pour faire une tournée dans quatorze capi­tales africaines pendant trois mois.

Vous avez longtemps travaillé avec les maîtres gnawa...

Cette collaboration a été fantastique. Nous ayons la même histoire d'esclavage. Nous, nous ayons fait le voyage à travers l'Atlantique. Les Gnawa l'ont fait à travers le Sahara. Lorsque nous nous sommes retrouvés ensemble, nous nous sommes dit : "C'est notre musique !"

En dehors de Feta et des gnawa, quels sont les grands musiciens africains qui vous ont marqué ?

Doudou Ndiaye Rose. Je l'ai écouté la première fois en 1967, au théâtre Daniel-Sorano, à Dakar. Il était là avec cinq tambours. C'était complètement fou ! Mon fils était avec moi, il avait alors I S ans et étudiait la batterie. Il était là l'hôtel, je suis allé le secouer : "Réveille-toi, tiens vite! " Il a écouté Doudou Ndiaye Rose enchanté...

Quelle perception les Africains ont-ils de votre musique ?

Nous avons joué au Burkina Faso qui était encore la Haute-Volta à l'époque - devant 6 000 personnes qui n'avaient, jusque-là, jamais entendu parler de jazz. Nous leur avons dit : “C'est votre musique qui a traversé l'Atlantique et que l‘on vous rap­porte. Vous n'allez peut-être pas la reconnaître parce que votre musique est maintenant faite avec trompette, trombone et batterie mais c'est la vôtre.”  Nous avions une contrebasse, une batterie (le jazz, des tambours traditionnels, une trompette, un saxo­phone et un piano. Même si les gens ne comprenaient pas le jazz, ils pouvaient sentir l'esprit du tambour traditionnel.

Mais le jazz ne semble pas attirer les foules africaines...
Au festival de jazz de Saint-Louis, au Sénégal, par exemple,
le public est essentiellement européen.


Pauvre Afrique ! Nous avons perdu beaucoup, et nous ne réa­lisons pas combien nous sommes riches. Quand je suis allé au Maroc en 1967, les Gnawa n'étaient pas reconnus. Aujourd'hui, j'ai du mal à faire le lien entre le moment où je les ai entendus et ce qu'ils représentent, c'est-à-dire une grande partie de la musique au Maroc. Combien de gens écoutent le jazz aux États-unis ? Notre musique a toujours été une musique pour un public peu nombreux. Dans les années 40, par exemple, sur la 52e Rue à New York il y avait sept ou huit clubs qui recevaient les plus grands : Dizzy Gillespie, Ella Fitzgerald, Billie Holiday.... Chaque club recevait soixante-dix ou quatre-vingts personnes, pas plus. Nous ne jouons devant des foules nom­breuses que lors des festivals. Notre musique est écoutée par des petits groupes de gens qui influencent d'autres gens.

Le jazz vient-il de la religion ?


De la spiritualité !

Le piano combine à la fois le rythme et la mélodie.
Est-il adapté à la musique d'Afrique ?


Bien sûr, c'est pour cela que le piano est fantastique ! Quand je dirige un stage, je demande [aux élèves] s'ils voient le lien entre le piano et l'Afrique. "Comment cela? ", me répondent-ils. Je leur dis alors de regarder à l'intérieur de l'instrument. On s'aperçoit que c'est une harpe ! Nous [les Égyptiens] avons créé la harpe. Les Égyptiens étaient les meilleurs fabricants de harpes et de flûtes. Et regardez les touches ! A l'origine, les pianos des Européens avaient des touches en bois. Mais le bois pouvait blesser les doigts. Les meilleures touches sont en ivoire, qui provient des éléphants. Donc l'esprit de l'Afrique est dans le piano.

Nos ancêtres écoutaient la nature et ils fabriquaient des instru­ments à partir des arbres, des peaux de poisson, d'animaux. Ils priaient car, d'une certaine façon, l'esprit de ces instruments vient de la nature. Notre musique est comme la nature, elle ne reste jamais identique. Un jour c'est le soleil, un autre la neige. Ce que j'ai joué hier, je ne le jouerai pas ce soir. Nous sommes en accord avec "Mère Nature". Le jazz est vraiment connecté à l'Afrique. C'est pour cela que j'ai travaillé avec les Gnawa. Ces gens là ne peuvent ni lire ni écrire, sauf un, mais ils font des choses en musique qu'on ne peut pas faire. Comment font-ils cela? Ils jouent peut-être trois-quatre notes, c'est tout!
L'Afrique est notre mère, notre père, la source de toute la pla­nète. Ainsi les Africains ont créé la musique. C'est la raison pour laquelle nous pouvons jouer d'un saxophone européen ou d'une trompette et les faire sonner de façon différente.

N'êtes vous pas une minorité, dans votre musique, à avoir des liens permanents avec L'Afrique ?

Je ne suis pas qu'une simple minorité. Je fais partie d'une minorité qui appartient elle-même à la minorité noire des États-Unis. Mais notre musique est avant-gardiste. Elle conduit a la vérité. Le chan­gement se trouve toujours du côté des minorités. Il y a des jeunes musiciens qui viennent parfois me voir et me disent : "Merci." Et ça m'enchante parce que nous les aidons à trouver le chemin.

Et ces musiciens suivent vos traces ?

Oui, d'une certaine manière, au sens où ils sont fiers d'ap­prendre d'où ils viennent, donc qui ils sont. Pendant long­temps, on nous a dit que nous n'étions pas africains. Mais nous le sommes et je reste optimiste quant à l'Afrique, en dépit de tous les problèmes qui existent sur ce continent. Notre peuple est fantastique et s'en sortira, comme on a pu le voir avec l'équipe de football du Sénégal ou encore les championnes de tennis, les soeurs Williams !

Aujourd'hui, les jeunes semblent plus intéressés par le rap ou le hip-hop que par votre style de musique...

Oui, parce qu'aux États-Unis, beaucoup de médias boycottent notre musique. C'est pourquoi nous sommes souvent obligés de venir jouer en Europe. Quant au hip-hop et au rap, les jeunes se tournent vers ces styles, parce que, depuis longtemps, on n'en­seigne plus la musique à l'école. Quand j'étais enfant, l'enseignement musical était obligatoire. Aujourd'hui, les jeunes créent de nouveaux genres. Mais ces genres, d'inspiration très africaine également, comme le jazz ou le blues, sont des musiques de combat parce que la vie de ces jeunes est de plus en plus difficile.

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